Optimisation du Procédé par Modélisation


Marc Dupuis Les modèles thermiques
GéniSim


Introduction

Les modèles thermiques ou plus précisément les modèles thermo-électriques sont utilisés pour optimiser à la fois la conception thermique et électrique d´une cuve d´électrolyse, ces deux éléments étant indissociables de par la nature même du problème. En effet, la conception thermique affecte le comportement électrique de la cuve par le biais de la variation des propriétés électriques des matériaux en fonction de la température. Dans certains types de design, la position du pied de la gelée sur le bloc cathodique influence aussi le comportement électrique de façon marquée. D´autre part, la conception électrique affecte le comportement thermique par le biais de la génération de chaleur dans le revêtement de la cuve par l´effet Joule.

On peut classer les modèles thermo-électriques en deux classes. Tout d´abord, les modèles 2D et 3D stationnaires caractérisés par une discrétisation détaillée de la géométrie du revêtement de la cuve. Ce type de modèle est particulièrement utilisé comme support à l´activité de conception thermo-électrique d´une nouvelle génération de cuve ou pour le "rétrofit" d´une technologie de cuve existante.

Il y a également les modèles 0D et 1D dynamiques caractérisés par une représentation géométrique du revêtement très grossière mais aussi par une discrétisation dans le temps très fine. Ce type de modèle est évidemment conçu particulièrement pour analyser la réponse thermique dynamique de la cuve, soit dans le cadre de sessions de formation du personnel ou dans le cadre du développement de nouveaux algorithmes de contrôle de la cuve. Mais, employé en mode stationnaire, il peut aussi être très utile pour aider à cerner les concepts de design thermo-électrique les plus prometteurs.

Pour tenter d´illustrer l´application concrète des modèles thermo-électriques dans le cadre d´applications industrielles, deux exemples hypothétiques sont présentés ci-dessous. Premièrement, l´utilisation d´un modèle dynamique pour enseigner la notion de surchauffe de cuve, en particulier la distinction entre la surchauffe liquidus et la surchauffe eutectique et pour démontrer que seule l´utilisation de la surchauffe liquidus dans le modèle permet de reproduire le comportement thermique d´une cuve observé en usine. Deuxièmement, l´utilisation de modèles 3D stationnaires d´anode et de tranche de cathode dans le cadre d´un projet de "rétrofit" basé sur un scénario où le coût de l´énergie serait devenu prohibitif.


Partie 1: Travaux pratiques (tutorial) sur la notion de surchauffe de cuve

Introduction

Le flux de chaleur entre les liquides de la cuve (bain et métal) et la surface de la gelée est contrôlé par la différence entre la température moyenne des liquides et la température de surface de la gelée (communément appelée la surchauffe de la cuve) d´une part, et le coefficient de transfert de chaleur du film à l´interface de ces deux phases d´autre part. Comme tout film à l´interface entre deux phases, le coefficient de transfert de chaleur de celui-ci est caractérisé par son épaisseur et sa conductivité thermique.

Le bain étant une solution plutôt qu´une substance pure, il ne gèle pas à une température précise. Il gèle dans une zone de température délimitée par sa température liquidus et sa température solidus. Entre ces deux températures la phase liquide et la phase solide coexistent dans une zone appelée "mushy zone".

Il n´est donc pas évident de déterminer quelle est la température de surface de la gelée qui doit être utilisée pour caractériser le coefficient de transfert de chaleur du film: la température liquidus où apparaissent les premiers cristaux ou plutôt la température solidus (normalement appelée température eutectique parce que le taux relativement lent de solidification permet de finir la solidification de la gelée à la concentration eutectique d´alumine) où les dernières traces de bain liquide se solidifient.

Il est très important de choisir la définition de la surchauffe qui permet de bien caractériser le transfert de chaleur à travers du film car dans les conditions typiques d´une cuve d´électrolyse moderne, l´utilisation de la surchauffe liquidus mène au calcul d´un coefficient de transfert de chaleur à travers le film environ trois fois plus grand que celui calculé en utilisant la surchauffe eutectique.

Évidemment, le comportement dynamique d´une cuve régie par un coefficient de transfert de l´ordre de 650 W/m2°C et par la surchauffe eutectique indépendante de la concentration d´alumine dissoute dans le bain est différent du comportement d´une cuve régie par un coefficient de transfert de l´ordre de 2000 W/m2°C et par la surchauffe liquidus affectée par les cycles d´alimentation de la cuve.

Pour cette raison, seul un modèle dynamique utilisant la définition de la surchauffe correspondante au comportement réel peut espérer reproduire le comportement dynamique d´une cuve observé en usine.


Campagne de mesure d´Aratu en 1984

Il est donc nécessaire d´avoir à sa disposition des données sur le comportement dynamique d´une cuve tel qu´observée en usine. En 1984, de telles données ont été mesurées à l´usine d´Aratu au Brésil. Les cuves mesurées sont de type Söderberg à cassage latérale et l´opération en 1985 était caractérisée par une fréquence de 2 effets anodiques par cuve par jour.

Les données de température, de concentration d´AlF3 et d´alumine dissoute dans le bain ont été mesurées en moyenne à toutes les heures sur une période de 24 heures. Durant cette journée de mesure, on a observé 3 effets anodiques tel que l´on peut le constater à la figure 1.

Figure 1 : Données mesurées à l´usine d´Aratu en 1984

Résultats du modèle dynamique utilisant la surchauffe liquidus

Le modèle dynamique ARC/DYNAMIC a été utilisé pour tenter de reproduire le comportement dynamique observé en usine. Le modèle peut utiliser à la discrétion de l´utilisateur soit la surchauffe liquidus soit la surchauffe eutectique. Les résultats présentés à la figure 2 ont été calculés en sélectionnant la surchauffe liquidus.


Figure 2: Résultats du modèle dynamique employant la surchauffe liquidus

Les calculs ont été effectués pour une période de 5 jours et reproduisent bien la fréquence moyenne de 2 effets anodiques par jour. Il est toutefois possible d´identifier une période de 24 heures avec 3 effets anodiques et de comparer directement l´évolution de la température mesurée et simulée.

Figure 3: Comparaison directe entre l´évolution de la température mesurée et simulée


Évidemment, aucun modèle mathématique en peut prétendre pouvoir prédire exactement quand un effet anodique survient dans une cuve. Ce qu´il faut comparer, c´est la réaction du système lorsque qu´un événement comme une cassage ou un effet anodique survient. On peut constater à la figure 3 une réaction similaire lors des événements suivants:

Résultats du modèle dynamique utilisant la surchauffe eutectique

Si on utilise à nouveau le modèle dynamique mais cette fois en sélectionnant la surchauffe eutectique, mais sans rien changer d´autre, on obtient un comportement dynamique différent comme on peut le constater à la figure 4.

Figure 4: Résultats du modèle dynamique employant la surchauffe eutectique

La fréquence des effets anodiques est restée la même puisqu´elle est fonction de la stratégie d´alimentation, mais la réponse en température de la cuve à un effet anodique de même intensité et de même durée est maintenant différente et ne correspond plus à la réponse observée comme on peut le constater à la figure 5.


Figure 5: Comparaison directe entre l´évolution de la température mesurée et simulée

On constate cette fois-ci que la réaction au même événement n´est plus toujours similaire:

Cet exercice démontre que c´est la surchauffe liquidus qui dicte l´évolution thermique dynamique de la cuve. La différence majeure vient du fait que pour opérer à surchauffe constante lorsque la cuve s´appauvrit en alumine, il faut, avec la surchauffe liquidus, monter la température d´opération pour suivre la remontée de la courbe liquidus alors que ce n´est pas requis avec la surchauffe eutectique.

L´influence de la variation du coefficient de transfert de chaleur est beaucoup plus difficile à identifier.


Simulation dynamique d´une cuve à haute ampérage avec piquage central

Il est pour cette raison plus difficile d´identifier une différence dans le comportement dynamique entre une simulation utilisant la surchauffe liquidus et une simulation utilisant la surchauffe eutectique pour le cas d´une cuve moderne opérée par piquage central parce que la variation de la concentration d´alumine dissoute est maintenue dans une étroite bande par l´algorithme d´alimentation de la cuve.

À titre d´exemple, les figures 6 et 7 présentent le comportement dynamique d´une cuve expérimentale opérée à 300 kA en utilisant respectivement la surchauffe liquidus et la surchauffe eutectique.

Figure 6: Résultats obtenus en utilisant la surchauffe liquidus

On constate que l´évolution dynamique de la température est très similaire parce que les cycles de sur et sous alimentation ont un impact dominant sur celle-ci. Une comparaison attentive révèle toutefois l´influence de la fluctuation de la concentration d´alumine et donc de la température liquidus sur l´évolution dynamique de la température en arrondissant les inversions de tendance vers le haut et vers le bas. L´évolution de la température dans le cas du modèle utilisant la surchauffe eutectique est plutôt en dents de scie parce qu´influencé uniquement par le changement du niveau d´énergie requis pour dissoudre l´alumine alimentée.

L´évolution de la concentration en excès d´AlF3 est plus affectée parce qu´influencée par l´évolution du taux de formation de la gelée, lui même influencé par la différence dans le coefficient de transfert de chaleur.


Figure 7 : Résultats obtenus en utilisant la surchauffe eutectique

Ces légères différences dans le comportement dynamique sont très difficiles sinon presque impossibles à observer expérimentalement en usine dans des conditions normales d’opérations.

Mesure du taux de variation de la température d´équilibre de la cuve en fonction du voltage dans le bain

Toutefois, si pour une raison quelconque la chaleur interne de la cuve est augmentée pour une période prolongée, la nouvelle température d´équilibre de la cuve est directement fonction du coefficient de transfert de chaleur à l´interface liquide/gelée.

Ainsi pour une même augmentation de l´ACD correspondant à une augmentation du voltage de la cuve de 100 mV, le modèle de surchauffe liquidus avec son coefficient de transfert de chaleur de l´ordre de 2000 W/m2°C prévoit une augmentation de température de l´ordre de 0.8 °C alors que le modèle de surchauffe eutectique avec un coefficient de transfert de chaleur de l´ordre de 650 W/m2°C prévoit une augmentation de température de l´ordre de 2.4 °C comme le démontrent les figures 8 et 9.


Figure 8 : Corrélation entre le voltage dans le bain et la température d´équilibre d´opération obtenue avec le modèle stationnaire utilisant la surchauffe liquidus

Figure 9 : Corrélation entre le voltage dans le bain et la température d´équilibre d´opération obtenue avec le modèle stationnaire utilisant la surchauffe eutectique


On peut obtenir les corrélations présentées aux figures 8 et 9 en solutionnant dans ARC/DYNAMIC une succession de modèles stationnaires en augmentant à chaque fois la valeur choisie pour l´ACD ou directement en choisissant l´option analyse de Monte Carlo et en ne faisant varier que la valeur de l´ACD selon une fonction de probabilité uniforme.

Malheureusement, étant donné qu´une cuve en opération n´est jamais vraiment parfaitement en équilibre thermique, il n´est pas évident d´obtenir une corrélation significative entre le voltage dans le bain et la température d´opération (que l´on assume être la température d´équilibre).

Pour illustrer cette difficulté, les résultats obtenus avec les deux modèles dynamiques sont utilisés pour calculer le même type de corrélation. Les corrélations obtenues sont présentées aux figures 10 et 11 pour le modèle liquidus et le modèle eutectique respectivement.

Figure 10 : Corrélation entre le voltage dans le bain et la température d´opération obtenue avec le modèle dynamique utilisant la surchauffe liquidus


Figure 11 : Corrélation entre le voltage dans le bain et la température d´opération obtenue avec le modèle dynamique utilisant la surchauffe eutectique

On constate tout d´abord qu´il n´y a pas de corrélation significative entre le voltage dans le bain et la température d´opération en mode dynamique puisque les coefficients de corrélations obtenus sont de l´ordre de 0.1 alors qu´ils étaient exactement de 1.0 en mode stationnaire. C´est évidemment dû au fait que beaucoup d´autres facteurs (taux d´alimentations, niveau de métal, etc.) influencent également l´évolution de la température d´opération.

Les résultats permettent également d´illustrer une mise en garde sur l´usage de corrélation ayant un coefficient de corrélation non significatif. En effet, les corrélations obtenues de 2.2 °C par 100 mV pour le modèle liquidus et de 1.0 °C par 100 mV pour le modèle eutectique indiquent un changement de tendance inverse. Ils sont trompeurs parce que non significatifs.


Partie 2: Projet de "rétrofit" d´une cuve à haut ampérage

Introduction

Le point de départ de ce projet de "rétrofit" imaginaire est inspiré du design d´une cuve expérimentale à haut ampérage présenté par VAW dans JOM en février 1994.

Le contexte imaginaire du "rétrofit" est que l´énergie dorénavant taxée à un taux prohibitif par les gouvernements pour compenser pour les coûts de remplacement et les impacts environnementaux est maintenant hors de prix. Il faut donc "à tout prix" réduire la consommation énergétique au plus bas niveau possible.

Validation du modèle reproduisant le comportement de la cuve en opération

Le point de départ de tout projet de rétrofit basé sur l´utilisation d´un modèle est la reproduction du comportement actuel. C´est l´étape cruciale en ce qui concerne le succès de tout projet de modélisation, car il est préférable de ne pas avoir de modèle que d´utiliser les résultats d´un modèle non validé et donc non représentatif du comportement réel pour faire la conception d´un nouveau design.

On obtient normalement les données qui servent à la validation d´une campagne de mesure thermo-électrique sur une cuve "typique" en opération. Pour les besoins de cet exemple, les données sont inspirées de la table des résultats d´opération publiée dans l´article de JOM:

· ampérage 300 kA
· voltage de cuve 4.28 V
· température d´opération 975 °C
· ACD 5 cm
· consommation anodique nette 0.425 kg / kg Al

Les données manquantes ont été assumées:

· chute de voltage cathodique 285 mV
· chute de voltage anodique 300 mV
· chute de voltage externe 200 mV
· perte de chaleur anodique 235 kW
· perte de chaleur fond cathode 120 kW
· niveau de métal 20 cm
· niveau de bain 20 cm


En ce qui concerne les spécifications du design de la cuve, elles sont inspirées de la table des données de base, du schéma de la cuve et de la topologie esquissée du design du revêtement de la figure 2 de l´article. Il a été assumé que les blocs cathodiques ainsi que les blocs de côté étaient constitués de carbone semi-graphitique.

Basée sur l´ensemble des données précédentes, une analyse stationnaire effectuée avec le modèle ARC/DYNAMIC prédit les résultats d´opération suivants:

· efficacité de courant 92.91%
· chaleur interne 621.72 kW
· surchauffe eutectique 21.6 °C
· excès de AlF3 7.53%
· épaisseur gelée niveau bain 8.9 cm
· épaisseur gelée niveau métal 2.4 cm
· consommation énergétique 13.75 kWh/kg

A ce stade, on dispose donc d´un ensemble de données complet sur le comportement de la cuve actuel tel que "mesuré". Il faut maintenant reproduire ce comportement avec nos modèles thermo-électrique 3D de tranche de cathode et de demi-anode.

On retrouve à la figure 12 le maillage du modèle de tranche de cathode, les différentes couleurs représentant les différents types de matériaux.

Figure 12: Maillage du modèle de tranche de cathode


Un modèle de tranche de cathode a une épaisseur qui va du centre d´un berceau au centre d´un bloc cathodique. Il contient donc une barre collectrice complète pour un design à barres collectrices doubles comme c´est le cas ici.

Le revêtement sous le bloc est constitué d´une couche de silicate de calcium de 3.5 cm, de deux rangées de briques isolantes (BIL), d´une rangée de briques semi-isolantes (BIR), de deux rangées de briques réfractaires (BRO) et d´un lit de 4 cm d´alumine. Le piédestal est constitué de quatre rangées de briques semi-isolantes et le grand joint au niveau du piédestal est rempli de ciment réfractaire.

Il est important de noter que le profil de gelée est imposé à l´épaisseur mesurée, puisqu´il s´agit du modèle de la cuve actuelle. Les paramètres-clés du modèle sont donc:

· ampérage total de la cuve 300 kA
· température d´opération 975 °C
· température eutectique 955 °C
· épaisseur de gelée sur le bloc 2 cm
· épaisseur de gelée à l´interface bain/métal 3 cm
· épaisseur de gelée à la surface du bain 10 cm

On retrouve à la figure 13 la solution thermique du modèle et à la figure 14, la solution électrique du modèle:

Figure 13:p; Solution thermique du modèle


Figure 14: Solution électrique du modèle

On peut remarquer que seulement une partie du modèle est véritablement thermo-électrique. Il est en effet avantageux de ne pas tenter de résoudre le potentiel électrique dans la partie du revêtement où la résistivité électrique est à toute fin pratique infinie.

Les résultats-clés du modèle de tranche de cathode thermo-électrique sont les suivants:

· perte de chaleur totale du modèle 4584 W
· perte de chaleur par le fond de la cathode 1653 W
· chute de voltage de la cathode (sans flexible) 286 mV
· flux thermique à l´interface métal/gelée 14457 W/m2
· flux thermique à l´interface bain/gelée 10109 W/m2

Pour être comparé avec les données d´opération pour l´ensemble de la cuve, les résultats des pertes thermiques du modèle de tranche doivent être "extrapolés" comme suit:

4.584 X 18 X 4 X 1.2 = 396 kW pour la cathode complète
1.653 X 18 X 4 = 119 kW pour les pertes seulement par le fond

Le facteur 18 provient du fait qu´il y a 18 blocs au total dans cette cuve, le facteur 4 provient du fait que l´on ne représente que le quart d´un de ces blocs dans le modèle et le facteur 1.2 est là pour tenir compte des pertes par les murs des bouts. Ces pertes ne sont évidemment pas modélisées par un modèle de tranche. Pour éviter d´avoir à faire cette "extrapolation", il faut disposer d´un modèle plus sophistiqué représentant le quart de la cathode (donc incluant le mur du bout et le coin de la cathode).


Les flux de chaleur au niveau de l´interface liquide/gelée obtenus par le modèle validé utilisant le profil de gelée mesuré servent à calculer les coefficients de transfert de chaleur à ce même interface qui seront utilisés par le modèle de conception (qui lui, va prédire le profil de gelée pour un revêtement, une température d´opération et une surchauffe données&41;:

14456 / 20 ~ 720 W/m2°C pour l´interface métal/gelée
10109 / 20 ~ 500 W/m2°C pour l´interface bain/gelée

On peut noter qu´il s´agit de coefficients de transfert de chaleur calculés en utilisant la surchauffe eutectique car les risques d´erreur sur l´évaluation expérimentale de la surchauffe eutectique sont beaucoup moins grands que pour la surchauffe liquidus.

Le maillage du modèle de demi-anode est présenté à la figure 15:

Figure 15: Maillage du modèle de demi-anode


On peut noter que l´on a découplé le modèle de cathode du modèle d´anode en assumant que le plan de coupure constitue un plan adiabatique. C´est évidemment une approximation mais c´est une approximation très raisonnable si l´angle du plan de coupure est bien choisi.

On retrouve à la figure 16 la solution thermique du modèle.

Figure 16: Solution thermique du modèle

La solution thermique de la croûte (en particulier au niveau du canal latéral) permet de mettre en évidence l´impact d´utiliser une propriété qui varie en fonction de la température. En effet, la croûte est définie comme un bon isolant jusqu´à 600 °C, mais comme un mauvais isolant au-dessus de 600 °C (ce qui correspond en fait à définir les propriétés de deux matériaux dans un seul et de laisser le programme calculer la position de l´interface entre les deux). On peut observer le résultat en notant que les isothermes à la surface de la croûte sont très rapprochés jusqu´à ce que la température atteigne 600 °C.


On retrouve à la figure 17 la solution électrique du modèle.

Figure 17: Solution électrique du modèle

On constate évidemment que la couche de recouvrement ne fait pas partie de la partie électrique du modèle.

Les résultats-clés du modèle de demi-anode thermo-électrique sont les suivants:

· perte de chaleur de modèle 3633 W
· chute de voltage de l´anode 302 mV

Comme il y a 32 anodes dans la cuve, cela correspond à:

3.633 X 32 X 2 = 232 kW pour le plan anodique complet


Conception du nouveau design avec l´aide des modèles

Maintenant que l´on dispose de modèles calibrés reproduisant bien le comportement actuel de la cuve, on peut envisager de les utiliser pour concevoir un revêtement correspondant aux nouveaux critères établis. Pour ce projet imaginaire, il s´agit de minimiser la consommation énergétique. On a vu que la cuve actuelle, même opérée à 5 cm d´ACD, a déjà une consommation énergétique très respectable de 13.75 kW/kg

Pour faire mieux, il faut réduire au minimum les pertes de chaleur de la cuve. Tout d´abord en changeant les conditions d´opération comme suit:

Puis, en changeant le design de revêtement de la cathode comme suit:

Certains autres changements de design du revêtement ont plutôt comme but de réduire la chute de voltage cathodique:

On retrouve à la figure 18 la version modifiée du modèle de tranche cathodique. On peut noter que cette fois, le profil de gelée ne sera pas imposé. Il est cependant préférable d´utiliser un profil de départ voisin du profil final estimé pour sauver du temps de calcul.

On peut noter l´importance d´avoir développé un modèle paramétrique. En effet, grâce à celui-ci, on peut facilement et rapidement changer la conception du revêtement et obtenir une nouvelle solution.

Il faut évidemment aussi disposer d´une "macro" écrite en langage APDL pour que le modèle se charge de converger de manière automatique le profil de gelée compatible avec les flux de chaleur et la température eutectique imposés.


Figure 18: Maillage du modèle de tranche de cathode modifié

Bien que le design modifié soit relativement différent du design original, on peut remarquer que sa topologie est restée la même. Sinon, il aurait fallu produire une version modifiée du modèle pour l´adapter à la nouvelle topologie désirée.

Figure 19: Solution thermique du nouveau design


On remarque que le pied de la gelée du profil convergé s´avance sensiblement sous l´anode, ce qui est un des résultats néfastes d´une opération à basse surchauffe. Il faudrait tenter de réchauffer encore plus le coin du bloc pour améliorer cette situation.

Les résultats clés du modèle de cathode avec design modifié sont les suivants:

· perte de chaleur totale du modèle 2833 W
· perte de chaleur par le fond de la cathode 1467 W
· chute de voltage de la cathode (sans flexible) 213 mV

On effectue les mêmes extrapolations que précédemment pour ramener les pertes thermique au niveau de la cathode complète:

2.833 X 18 X 4 X 1.2 = 245 kW pour la cathode complète
1.467 X 18 X 4 = 106 kW pour les pertes seulement par le fond

On passe ensuite à la modification des conditions d´opération pour l´anode:

· réduction de l´immersion de 15 à 14 cm
· augmentation de la couche de recouvrement de 10 à 17.5 cm

Et finalement au design de l´anode:

· réduction du diamètre des goujons de 18 à 16 cm
· augmentation de la profondeur des trous de 14 à 15 cm
· réduction de la section de la tige de 18X18 à 16X16 cm2

Figure 20: Maillage du modèle d´anode modifié


Encore une fois, l´utilisation d´un modèle paramétrique à permis de modifier rapidement le modèle de base. On retrouvc la solution thermique du modèle modifié à la figure 21.

Figure 21: Solution thermique du modèle d´anode modifié

La réduction du diamètre des goujons permet de réduire les pertes de chaleur alors que l´augmentation de la profondeur des trous permet de compenser l´effet néfaste de cette diminution sur la chute de voltage.

Les résultats-clés du modèle d´anode modifié sont les suivants:

· perte de chaleur de modèle 2861 W
· chute de voltage de l´anode 276 mV


Ce qui correspond à:

2.861 X 32 X 2 = 183 kW pour le plan anodique complet

Les pertes de chaleur totales de la cuve ont donc été réduites à 428 kW. Évidemment, il faut réduire la chaleur interne de manière équivalente pour maintenir l´équilibre thermique de la cuve.

Pour ce faire , la première étape déjà réalisée était de réduire l´ACD à 4 cm. Mais pour aller plus loin, il n´y a qu´une façon et c´est la réduction de la densité de courant anodique. Opérée à 300 kA, la densité de courant anodique est de 0.73 A/cm2. Pour pouvoir réduire la chaleur interne de la cuve à 428 kA, on calcule avec l´aide de ARC/DYNAMIC qu´il faut réduire la densité de courant anodique à 0.65 A/cm2, ce qui correspond à une opération à 265 kA.

Les solutions des modèles d´anode et de cathode modifiés ont évidemment été obtenus à ce niveau d´ampérage sinon l´analyse ne serait pas cohérente.

Conclusion de l´exercice de "retrofit"

L´analyse finale effectuée avec ARC/DYNAMIC utilisant les données d´entrées suivantes

· ampérage de cuve 265 kA
· température d’opération 950 °C
· excès de AlF3 12.5%
· niveau de bain 18 cm
· niveau de métal 16 cm
· chute de voltage cathodique 213 mV
· chute de voltage anodique 276 mV

permet de prédire les données d´opération suivantes pour le nouveau design:

· voltage de cuve 3.85 V
· efficacité de courant 96.0%
· chaleur interne 427 kW
· consommation énergétique 11.94 kWh/kg

Compte tenu du gain d’efficacité de courant causé par la baisse de la température d´opération, cette réduction de 13.1% de la consommation énergétique a été obtenue au prix d´une diminution de productivité de l´usine de seulement 8.7%.

Dans le contexte d´un coût de l´énergie prohibitif, c´est évidemment une proposition très rentable rendue possible par l´emploi des modèles thermo-électriques.